Lettres reçues pour la Journée Baltazard du 13/11/2002

[voir également quelques mots en souvenir de Suzane Moner-Baltazard]


Bonjour Suzanne,

Je vous mets en courrier interne la photo du cours d'épidemio 1970 qui a l'intérêt de montrer au côté de votre père Mrs Mollaret, Rodhain et Dodin et quelques autres dont moi-même. Je me souviens très fortement de ce cours, qui, aujourd'hui encore, me paraît non seulement moderne mais révolutionnaire, voire visionnaire: sachez que M. Baltazard avait inclus en 1970 une journée entière sur l'informatique. Il y eut un cours sur l'architecture des ordinateurs. Pour moi, le mot et le concept étaient totalement inconnus. C'est au fond la seule période où j'ai connu votre père puisque, très rapidement après, en mars 71, il m'accompagnait en Mauritanie où nous faisions une mission sur le terrain avec Jean-Michel Alonso que je venais remplacer. Je ne reverrai plus Marcel Baltazard que j'appelais "Maître", étant probablement son dernier élève.
Au cours de cette mission, le charisme de votre père, son respect pour les habitants et leur vie si fragile aura tellement frappé les nomades que toute la région en fut empreinte. Elebou Ould Moishin, le chauffeur et organisateur des missions a actualisé la topographie des lieux : la dune de Monsieur Baltazard, l'oued de Monsieur Baltazard... l'arbre de Monsieur Baltazard. Ce dernier prendra une dimension prémonitoire pour les gens quelque peu mystiques, car, lors de la mission d'après, nous constaterons que l'arbre n'aura pas survécu à une pratique malheureusement courante: un nomade en ayant coupé un peu trop de branches (pour que ses animaux puissent en manger les pousses en période de disette). Je garde de Marcel Baltazard, en plus de la personnalité scientifique, l'image de quelqu'un capable d'emporter toutes les convictions, d'infatigable, toujours impeccable (je me souviens du rasage quotidien devant le rétroviseur externe de la land avec une demi-tasse d'eau, de la saharienne repassée…), mais aimant rire et faire rire. Il était tellement passionant qu'il ne lui fallut qu'une heure lors d'un cours en médecine tropicale à Paris pour nous recruter, Jean Michel et moi, pour la Mauritanie etc, ce qui allait ensuite décider de la suite de nos existences.

Bien amicalement

Guy Baranton

PS : Une autre image, mais à ne pas mettre en témoignage, car ce n'est pas conseillé:
Nous avions, au labo, du Baygon pour parer aux fuites de puces. M. Baltazard, qui avait horreur des mouches toujours nombreuses dans les campements, en emmenait une avec lui et discrètement, à titre préventif, dirigeait la bombe droit sur son visage, en fermant simplement les yeux, et se pulvérisait longuement… Évidemment, plus tard, les maures nomades étaient impressionnés de voir que les mouches évitaient le Pr. Baltazard!


Chère Madame,

Votre invitation m 'a beaucoup emue. Malheureusement, je ne serai pas en France à cette date. Toutefois, je tiens à exprimer mon admiration envers "maître Baltazard", jusqu'au aujourd'hui regretté, et qui m´a transmis le goût pour l'étude de la peste.

Nous nous sommes connus vers la fin des années soixante à Exu, une petite ville du sertão nordestin. Il était venu pour étudier la peste au Brésil, alors que je ne faisais que commencer ma carrière. Le fait d'avoir travaillé avec M. Baltazard, a joué un rôle tres important dansmon parcours professionnel.

Regrettant de ne pouvoir être là pour rendre hommage à cet homme qui fut mon maître et à qui je dois énormement pour ma carrière, je vous prie d'agréer l'expression de mes salutations les plus distinguées.

 
Alzira de Almeida (au centre), Marcel Baltazard (derrière), Francis Petter et Mahmoud Bahmanyar (à droite)
et les techniciens devant l'école d'agriculture abandonnée où ils s'étaient installés pour la mission.
(Exu, Nors-Est du Brésil, 1967.)


Dear Suzanne:

Thank you so much for your recent letter which I enjoyed very much. It was good to hear from you, the daughter of an old friend, and I am pleased to have your address in France.

I met your father in Morocco early in World War II when he was at the Pasteur Institute. I had the great privilege of being associated with him there and also we worked together on typhus fever in many of the small Moroccan villages.

Several years ago I prepared a book on research and infectious diseases. Enclosed in this correspondence is a chapter of my experiences in North Africa and elsewhere in Europe. You will find some comments about your father as well as a photograph of him.

Under separate copy, I am having our Alumni Association send you a copy of the book which you might like to have.

Your Dad was a splendid person, a gentleman and a friend. He was a distinguished scientist - a senior member of the Pasteur Institute System. I learned much from him and it was a great privilege to have had this association.

Very sincerely,

Theodore E. Woodward, M.D., M.A.C.P. Professor of Medicine Emeritus, University of Maryland School of Medicine


T. E. Woodward avec Georges Blanc, Directeur de l'Institut Pasteur du Maroc, 1944


Notre ami Marcel Baltazard,

Nous avons rencontré Baltazard ou Balta comme ses amis l'appelaient à Genève quand il était membre du premier Comité des Experts de la Rage organisé par WHO (OMS) en 1950. Il était un grand savant dans le domaine des maladies infectieuses, spécialement de la rage, et en même temps un homme charmant.

Nous avons passé avec lui quelques jours très agréables à Genève; nous avons mangé poulet à moutarde au restaurant dont la propriétaire était le chef ancien de Georges V. Comment Balta a réussit à trouver pendant quatre jours de son séjour à Genève un restaurant avec une cuisine superbe? Nous n'allons jamais savoir. Mais Balta était un homme extraordinaire.

Balta nous a invité à Téhéran en 1952. Là nous avons fait connaissance de sa femme, une personne très belle et charmante, et nous sommes devenu amis avec tous les deux.

Comme directeur de l'Institut Pasteur à Téhéran, Balta s'occupait de la rage et nous avons écouté avec beaucoup d'intérêt quand il nous a parlé des attaques de loups enragés qui ont mordu les habitants d'un village. Alors Balta et nous avons persuadé les autres à l'Institut d'organiser le traitement des personnes mordues par un loup rabique avec les anticorps développés par déjà décédé docteur Habel.

L'opportunité pour cette expérience s'est présentée en été de 1953 ou 1954 (je ne peux pas me rappeler exactement) quand un loup a mordu vingt paysans dans un petit village iranien Sahan. Aussitôt que Balta vient d'apprendre de cet accident, il a arrangé en 24 heures la transportation des victimes à l'Institut Pasteur à Téhéran.

Ce que suit est déjà l'histoire. Balta avec son lieutenant dévoué Bahmanyar séparaient les victimes en groupes: ceux qui recevaient le sérum et le vaccin et ceux qui recevaient seulement le vaccin. Un petit garçon de six ans sévèrement mordu à la tête a reçut six injections de sérum. Les événements accompagnant cette expérience resteront toujours comme un monument des contributions de Balta pour le traitement de la rage d'homme.

L'atmosphère à l'institut dirigé par Balta était amicale et agréable. Il prenait soins de ses collaborateurs: Bahmanyar, Ghoda Sabeth et les autres pour lesquels Balta est devenu l'image paternel et un ami.

Nous avons quitté Téhéran avec une triste prémonition qu'il sera impossible de répéter le temps magnifique que nous avons passé là avec Balta et sa femme. Peu de temps après Balta a quitté Téhéran pour aller à Paris. Même que nous sommes venus encore plusieurs fois à Téhéran, il n'était plus là et il nous a manqué. Nous l'avons vu encore une fois à Paris et peu de temps après nous avons appris de sa mort.

Cet homme magnifique que nous avons perdu était un très bon ami qui nous manque beaucoup.


Irena & Hilary Koprowski, 2002


voir son livre.


Chère Mme Suzanne Baltazard,

Je garde du docteur Baltazard le souvenir d'un homme qui sut allier la réflexion scientifique à de grandes qualités humaines.

J'etais élevée à l'école Jeanne d'Arc et je ne devais pas avoir plus de 15 ans la première fois que je le vis. Notre classe visitait l'Institut Pasteur et c'est lui qui nous reçut. Son ouverture d'esprit, sa disponibilité, sa chaleur, firent de cette visite un moment important que je ne devais pas oublier. Devenue Reine quelques années plus tard, j'eus le plaisir de trouver en cet homme de coeur un allié précieux chaque fois que j'eus à le solliciter. Il nous aida beaucoup en particulier dans le long travail que nous entreprimes pour combattre la lèpre, puis pour reinsérer les malades guéris. Ces derniers, bien qu'ils ne soient plus contagieux, continuaient de faire peur et nous avions toutes les peines du monde à leur trouver un travail. Le docteur Baltazard, le sachant, fut le premier à embaucher un de ces malades "blanchis" à l'institut Pasteur. Son geste prit valeur d'exemple, et nous ouvrit d'autres portes.

Puisque l'occasion m'est aujourd'hui donnée d'honorer sa mémoire, je veux dire ici qu'il fut l'un de ces hommes qui participa de toutes ses forces aux progrès que connut l'Iran dans les domaines de la prévention et des soins.

 Farah Pahlavi


Dear Madam Baltazard:

My name is Shahroukh and I am the grandson of Prince Farmanfarma, who played an essential part in the creation of Institute Pasteur in Tehran, and the son of Prince Nosrat al-Dowleh, who was instrumental in encouraging your late father, Doctor Baltazard, to come to Iran. That is why when I heard that you plan to observe the thirtith anniversary of your father's passage, I decided to write this note to you and join you in paying my sincere homage to his memory.

The part played by your father in the creation and expansion of the Institute, and the invaluable services that he and his staff rendered to the men and women of my country can never be ignored and will never be forgotten.

Sincerely yours,

Shahroukh Firouz